La réduction des matières enfouies a été au cœur des dernières versions de la Politique de gestion de matières résiduelles au Québec. Est-ce qu’il existe un écart entre la Politique et la réalité? Voici une belle réflexion en prévision du 22 avril Jour de la Terre!
La plupart des sites d’enfouissement qui sont en exploitation au Québec ont ouvert leurs portes dans les années 70s. Alors que plusieurs sont en fin de vie, le reste compte encore quelques années devant eux. La question sur la pertinence d’enfouissement se pose encore de nos jours, alors que cette problématique a attiré l’attention depuis les années 90s et a donné naissance à la collecte résidentielle de recyclage.
Les avancées vers la réduction de l’enfouissement ne sont aucunement encourageantes. Il y a encore plus de 50% des déchets générés qui sont transportés vers l’élimination. La production actuelle des déchets est le double qu’aux années 50s. Depuis plus de 20 ans, nous avons neutralisé « l’emballage », mais il nous reste encore du chemin à faire contre la génération de déchets.
L’enfouissement, comme tout business, a permis la création des compagnies privées qui sont devenues de grandes corporations et la municipalisation de certains territoires grâce au contrôle sur une grande partie du marché. C’est une industrie profitable qui a permis à des industriels d’élargir leurs opérations et même d’entrer en bourse et d’autre part a des organisations municipales de prendre le contrôle de ces profits et même de chasser l’entreprise privée. Ce business a tout pour plaire à leurs propriétaires municipaux ou privés:
- Entrées d’argent récurrentes;
- Barrière à l’entrée pour la compétition, car il est difficile d’en ouvrir de nouveau;
- Incontournable car requis pour des raisons sanitaires.
Les sites d’élimination ont des impacts socio-environnementaux importants tels que :
- Un ratio de 0,8 emploi par 1000 tonnes de matière enfouie, c’est relativement bas si l’on compare avec le secteur de la récupération qui génère 2,14 emplois par 1000 tonnes (Voir Valeur ajoutée MR – RecycQuébec)
- La production de méthane, un GES 21 fois plus puissant que le CO2
- Le risque de contamination des eaux de la nappe phréatique, précieuse réserve d’eau potable dans la terre
- Le risque de contamination du sol. Probablement, ces terrains n’auront jamais l’occasion de récupérer leur vocation de zones cultivables ni de zones habitables.
Alors, je me demande qui payera pour ces coûts environnementaux. Ce qui me fait penser au concept de l’externalisation de coûts, terme introduit pour nommer l’incapacité de prendre en charge les problèmes liés à la dégradation de l’environnement. La facture de la détérioration occasionnée par les opérations de ces sites durant les derniers 40 ans sera payée par qui? À mon avis, personne ne l’a calculé et certainement aucun des acteurs ne sera prêt à l’assumer. Est-ce que le prix de disposition et la taxe d’un peu plus de 22$/Tm seront suffisants pour compenser ou atténuer les dommages? Est-ce que des fonds sont cumulés pour mettre en oeuvre un plan de fermeture lors de leur fin de vie?
Sommes-nous encore dans l’ère du court terme? Même si l’on déclare être dans une période de prise de conscience connue comme « le développement durable ». Allons-nous continuer à demander des agrandissements de LET (lieux d’enfouissement techniques) et fermer les yeux sur nos dégâts?
Nous disons depuis des années que l’élimination des déchets n’est pas une « business » comme les autres. En fait, qu’elle ne devrait pas être considérée comme une business du tout. C’est tout à fait incompatible avec la notion de réduction à la source et ça vient directement concurrencer de façon déloyale tous les efforts de récupération et de recyclage que nous déployons.
Pertinent Mr. Frédéric
Très bonne analyse M. Bouchard. Félicitations!
Les impacts des LET étant assez bien connus, je suis content d’avoir accès à un peu d’information sur la capacité de création d’emplois dans ce secteur. Merci beaucoup, article intéressant.
Pour répondre à l’une de vos questions, si ma mémoire est bonne, la plupart des plus gros LET du Québec, voire plusieurs autres plus petits (dont ceux ayant été agrandis plus ou moins récemment) ont l’obligation légale de cotiser à une fiducie d’utilité sociale qui servira à leur gestion postfermeture (entretien des équipements en place, réalisation des suivis environnementaux exigés, traitement des eaux et biogaz, etc.) pour une période allant généralement jusqu’à 30 ans. Cette contribution doit être versée pour chaque tonne de matières résiduelles éliminées dans ces LET. C’est donc une partie, une partie dis-je, des externalités qui sont ainsi couvertes…
Merci de ce point de vue éclairant!
Maintenant comment encadrer ce business nécessaire mais sans en abuser pour les matériaux récupérables?