Économie circulaire: Par Anne Gaignaire

Les échanges de matières résiduelles, un marché en expansion.

Par Anne Gaignaire (Extrait tirée du journal Les Affaires édition du 3 mai 2014)

Par conscience ou obligation environnementales, par souci d’économie, de plus en plus d’entreprises tentent de se débarrasser de leurs résidus autrement que par l’enfouissement, non écoresponsable et souvent coûteux. Elles se retrouvent sur des plateformes où le surplus et les déchets des uns deviennent les matières premières ou les outils des autres.

«Entreprise de la région de Laval cherche preneur pour 206 kg d’éthoxylate de nonylphénol. Prix à débattre.» «PME du Centre-du-Québec donne gratuitement 2 500 kg de fibres textiles.» «Société de Montérégie offre du bois de palettes brisées»… C’est le genre de petite annonce que l’on peut lire sur le site Web de Second Cycle, qui se présente comme la seule plateforme privée d’échange de matières résiduelles dans la province. En date du 24 avril, la plateforme d’échange présentait plus de 200 annonces de ce type. Les entreprises qui ont des résidus difficiles à écouler sur le marché de la récupération peuvent, une fois enregistrées, mettre en ligne leur annonce. Second Cycle prend une quote-part sur les échanges conclus. Pour celles qui ont besoin d’un accompagnement (évaluation, recherche de débouché, etc.), un forfait est proposé en fonction de la complexité de la tâche. Un à deux échanges hebdomadaires se concluent en moyenne par l’intermédiaire de l’entreprise qui a créé sa plateforme en 2012. L’une des «histoires à succès» de Second Cycle: l’envoi à un transformateur américain de parements de PVC recyclés au Québec. Une fois «purifiés», ces parements redeviennent une matière première pour la production manufacturière.

La petite entreprise de Québec fête son pre­mier contrat d’envergure. Elle est sur le point d’annoncer officiellement son partenariat avec Partners in Projects Green (PPG) une division de Toronto and Region Conservation Authority (TRCA), pour qui elle met en place une plateforme d’échange et fournit des services-conseils. C’est la première fois que son expertise est «vendue» hors du Québec.

Ce contrat, conclu pour deux ans, représentera 25% de son chiffre d’affaires.

Le réemploi, une diversification salutaire

« Les deux marchés qui marchent bien pour nous sont le secteur manufacturier, notamment le plastique et le textile, ainsi que l’administration publique pour le volet réemploi de notre activité », explique Frédéric Bouchard, président et cofondateur de Second Cycle.

Parmi les 3RV (réduction, réemploi, recyclage et valorisation), le jeune homme et son frère, Daniel Bouchard, vice-président technologie, avaient d’abord en tête le recyclage. Mais en ce moment, c’est le réemploi, c’est-à-dire la réutilisation par certaines industries des déchets ou surplus générés par d’autres, qui permet à la firme de maintenir sa croissance. «Quand la Chine a resserré ses règles pour l’importation de matières recyclées, l’année dernière, ce marché s’est brusquement arrêté, car le prix des matières recyclées a dramatiquement chuté. Il reprend à peine, lia donc fallu trouver un autre service à offrir», indique Frédéric Bouchard. L’entreprise, adepte du concept d’économie circulaire, qui «vise à trouver la meilleure façon de réintroduire dans le cycle de production et d’utilisation tous les objets en mauvais état, usés ou qui ne sont plus réutilisables [déchets, sous-produits] », selon le président, s’est alors tournée vers le réemploi. Elle organise les appels d’offres pour les administrations qui souhaitent se débarrasser de leur équipement usagé. «Comme nous sommes en phase de rénovation, nous avons fait un grand ménage. Nous avions beaucoup de matériel dont nous ne nous servions plus (fraiseuse, compresseur, matériel de photographie, etc.), précise Marie-Andrée Saint-Pierre, agente de recherche au Centre de recherche industrielle du Québec (CRIQ). Plutôt que de l’envoyer à la destruction pour récupérer le métal, nous préférons qu’il soit réutilisé. Dans le cadre de notre plan d’action de développement durable, nous devons favoriser le réemploi de nos biens excédentaires.» D’autres instituts de recherche, des distributeurs de pièces mécaniques ou des courtiers se sont portés acquéreurs de ces équipements. Location de la plateforme

Second Cycle souhaite maintenant se lancer dans la valorisation. Cette démarche, qui vise à mettre en valeur certaines des propriétés d’une matière résiduelle par un processus de transformation, demande un plus grand travail de recherche pour procurer des débouchés. Par exemple, la firme travaille sur la possibilité de trouver un débouché pour des sacs de plastique contenant des déchets organiques. Ils ne peuvent être ni réutilisés ni recyclés mais pourraient être brûlés pour que la chaleur produite soit utilisée par une entreprise industrielle qui a de grands besoins énergétiques.

Dans son souci de diversifier ses sources de revenus, elle «loue» aussi sa technologie comme elle vient de le faire pour l’Office de protection de la nature de Toronto et de la région, ce qui lui apportera un revenu régulier et, à l’avenir, des redevances. Pour faire face à son expansion, Second Cycle s’apprête à recruter une troisième personne. Forte de son expérience, Second Cycle vient de réorienter quelque peu ses activités pour accroître l’accompagnement des entreprises qui souhaitent trouver preneurs pour leurs matières résiduelles.

«Nous nous sommes aperçus que les contacts sur la plateforme débouchaient rarement (moins de 5% des cas) sur une entente s’il n’y a pas d’accompagnement de notre part », affirme Frédéric Bouchard. Il estime à l’inverse que 70 % des contacts se concluent positivement si Second Cycle fait le lien.

Le prix souvent élevé de l’enfouissement et les normes environnementales sont les principaux alliés de Second Cycle pour attirer les clients. La conscience écologique des entreprises aussi. Quand elle existe. Car un de ses défis, c’est de lutter contre l’exportation des matières résiduelles dans certains pays en voie de développement à des prix défiant toute concurrence.

Économie circulaire: Des résultats avec une papetière

Depuis plusieurs années, une papetière spécialisée dans le papier recyclé travaille à réduire son impact sur l’environnement entre autres par une meilleure gestion de l’ensemble de ses matières résiduelles.

Présentement, 65 % des matières résiduelles de l’entreprise sont valorisées. Cette papetière maintient un niveau d’effort constant pour trouver des débouchés à celles qui restent. C’est donc dire qu’actuellement 35 % des matières résiduelles posent un défi, l’entreprise n’ayant pu trouver repreneurs dans les canaux traditionnels des recycleurs.

Pour ces raisons, l’entreprise a décidée d’adhérer en janvier 2012 à Second Cycle pour tenter de découvrir de nouveaux débouchés pour ses sous-produits industriels dans une logique d’économie circulaire.

Depuis son adhésion, cette papetière a publié 37 matières résiduelles qui représentent environ 200 000 tonnes métriques à l’échelle des usines québécoises de l’entreprise. Depuis le début de l’année, 27 contacts sérieux ont eu lieu en lien avec des matières résiduelles affichées sur Second Cycle.

L’association a déjà porté fruit puisque certaines des matières affichées ont trouvé preneurs, c’est le cas de chaudières de plastiques avec un contaminant, de la poussière de tissu, des boîtes Gaylord, des « big bags », etc. D’autres matières sont en cours d’analyse par d’éventuels repreneurs. L’objectif étant de poursuivre dans cette lignée et d’améliorer le sort des autres sous-produits dans la hiérarchie des 3RV.

Les bénéfices qu’a retirés l’entreprise depuis son association à Second Cycle :

 

  • Un plus grand nombre de contacts ont été générés dans un court délai sans augmenter les efforts de recherche de la part du Service Environnement;
  • De nouveaux débouchés possibles ont été identifiés en dehors de canaux traditionnels des recycleurs. Les repreneurs ont été trouvés dans les filières :
  • Des industriels cherchant des matières premières;
  • Des innovateurs à l’affût de nouvelles technologies pour produire des écoproduits;
  • Des consultants offrant des expertises de niche pour les matières résiduelles;
  • Des artisans à la recherche de matières premières pour leurs créations.

 

Cette étude de cas a été écrite en collaboration avec l’entreprise.

Économie circulaire – De matières résiduelles à oeuvres d’art!

Culture Centre-du-Québec a procédé au lancement officiel de son projet structurant régional Artisans en la matière, le 20 juin 2012 dernier au Musée des religions du monde de Nicolet. La mise sur pied de ce projet est  rendue possible grâce à de nombreux partenaires nationaux et régionaux, dont Second Cycle.

Artisans en la matière consiste à créer un maillage régional entre des artisans en métiers d’art et des entreprises et industries qui exploitent et transforment des matières premières sur le territoire centricois dans un objectif d’économie circulaire.

Second Cycle est particulièrement fier d’avoir soutenu le projet « Artisans en la matière ». En effet 2 matières résiduelles, disponibles sur Second Cycle, ont trouvés par le biais d’artisans une seconde chance.

C’est ainsi que, grâce au réseau de Second Cycle, Annie Rousseau a confectionné des accessoires vestimentaires en réutilisant des tapis en caoutchouc et Claudia Schneider a créé des personnages féériques en récupérant de la poussière de papier mouchoirs.

Second Cycle souhaite longue vie au projet Artisans en la matière!

Par l’économie circulaire, une entreprise économise en détournant une matière de l’enfouissement!

Une entreprise affichait depuis quelques semaines sur www.secondcycle.net un lot de 2500 chaudières de plastique noires 10 litres avec une poignée métallique. Jusque-là ça peut sembler facile… mais ces chaudières contiennent un résidu d’encres à base d’eau qui complique le recyclage et le réemploi.

Surprise! Grâce à Second Cycle, l’entreprise a été contactée par un recycleur qui a la capacité de prendre les chaudières et de les détourner de l’enfouissement.  Les chaudières seront transformées en granules dans le but de créer un nouveau produit. C’est un bel exemple d’économie circulaire.

Ce contact établi sur www.secondcycle.net permet à l’entreprise de réaliser un gain économique et environnemental  puisque les matières sont détournées de l’enfouissement. Et un manufacturier peut s’approvisionner en matières recyclées à meilleur coût que des matières vierges.